Secret
Un homme sous un arbre
Un arbre sur un trottoir
Attend, il attend le soir.
Il attend seul dans le noir.
Il pleut.
Le ciel est gris, triste et sombre.
Ne s'aperçoit que son ombre
Immobile en la pénombre.
Il crie
Toute sa douleur muette.
Sous lui, une silhouette,
Comme une pensée fluette,
Il pleut.
Un homme sur ce trottoir
Attend. Il attend l'espoir,
Son regard dans le ciel noir,
Il prie.
La porte
Comme se refermait la porte
La lumière s'en fut
Laissant sur le seuil sa vertu
Comme un objet que l'on oublie
Comme un bijou que l'on emporte
Bien que cette vie devint noire
Morte dans le vol du secret
Elle avait cet effet
Bien conservé malgré la lie
Bien imprégné de l'illusoire
Qu'un autre lendemain
Apporte une lumière bleue
A ce que n'est plus feue
La vie et soudain la folie
Ouvre la porte à un matin
Le chat
Le chat noir dort,
Immobile,
Sa tête contre son corps
A croire qu'il est mort.
Je suis là, assis,
Immobile,
Les yeux dans le gris
Loin du paradis.
Un instant passé,
Immobile,
Je crois rêvasser
Au temps adoré.
Le chat noir dort
Immobile
Comme un mauvais sort.
Suis-je déjà mort ?
Macle
La vie s'est déshabillée
En quelques regards discrets
Perdue dans cette feuillée,
Perdue dans l'unique après.
Dans la lumière de braise,
La terre a pris dans ses mains
La surface de la glaise
Pour la séparer en grains.
Sa dimension primitive
Est née d'un simple contact.
Sa pénétration craintive
N'a que précédé l'impact.
Les deux voies superposées
En un silence brutal
Sont devenues opposées
Dans la froideur du cristal.
Dans cette orientation prise,
S'est refroidi l'avenir
Laissant à la mer assise
Tous les choix pour le punir.
Dans l'irrégulière fièvre,
Et le vague de ses yeux :
Son aspect devenu mièvre
S'est noyé au fond des cieux.
Plus un mot, plus rien à dire.
En tranchant le nœud gordien,
Il ne restait qu'à récrire
Un bel ordre cartésien.
L'amour s'est déshabillée.
Plus de regards indiscrets,
L'arbre a perdu sa feuillée.
Pourtant le ciel est tout près.
Inspiré de « Première soirée » d'Arthur Rimbaud
Une goutte de silence
Une goutte de silence parmi
Celles de violence parsemées,
Une goutte affamée
Qui ensevelit chacun de nos bruits…
Une goutte de silence s'enfuit
Loin, très loin, des vieux amours clairsemées,
Une goutte proclamée
Qui anéantit le sol abruti…
Une goutte de silence, une dague
Qui s'enfonce et s'enfonce en mille vagues
Comme une goutte d'eau…
Une goutte de silence qui coupe,
Un sournois échafaud
Qui fait de la vie une morne soupe…
Une goutte
Et, sans doute,
Tu ne sais
Le mal fait
Goutte après goutte…
La raison s'en doute
La raison a eu raison.
Dans le silence fidèle,
S'est éteint l'amour de celle
Qui a une autre maison.
Loin de la douce passion
Qui a un jour fait d'elle
Cet ange d'émotion,
Reste cette citadelle.
Dans l'improbable saison,
L'amour fut une hirondelle
Qui n'avait qu'une seule aile.
La vie fuit en un pardon :
La raison a eu raison.
Aucun
Aucun mot pour un poète
Ne définit le silence
Il est le vide ou la science
L'absence comme une fête
Aucun mot dans cette pluie
Pour dire que je t'ennuie
Aucun mot pour éveiller
L'interdit de l'univers
La stérilité des vers
Oublie d'un dernier baiser
Cette feuille tombée sans bruit
Dans le désert de la nuit
Espiègle petit chemisier
Espiègle petit chemisier...
Ce matin dans le cerisier
Où seule dans ta robe blanche.
Cachée, tu rêves, sous la branche
Lourde, tu revois le chemin
Et tes seins au creux de ma main.
Quand ces deux cerises vermeilles,
Coquettes, vibrent à merveille,
Tandis que souffle un vent léger,
Tu vis cette envie du danger.
Dans l'herbe, s'entend un encore,
Le désir d'un nouvel aurore
Et de sentir ce corps fleuri.
Assise tu n'as que souri,
Et dans tes yeux une étincelle.
S'est imaginée demoiselle.
Un temps, sur ton corps en secret,
S'est posé l'amour. Et après
Mille regrets, brûlent les bises
Sous le chemisier aux cerises.
Piètre
Une pierre sur une pierre
Pour le partage de séquelles !
Les eaux ne seront pas plus belles,
Elles ont la seconde fière
Des tourterelles
Fuyant la terre à tire d'ailes...
(Des instants existent, incongrus,
Où l'on croit d'un mot toucher le ciel.
Mais dans cette quête d'absolus,
Le monde est perdu, artificiel...)
Un nuage sur un nuage,
Par douces touches, tendres doses,
Mélangeant les bleus et les roses
Au dégrafage d'un corsage,
Ce sont des choses
Entre coup de vent et pluie sage…
(J'ai cru en toi, tu as cru en moi,
En cette confiance. Enlacés,
Nous n'étions que cet unique émoi.
Mais ton présent n'a plus de passés...)
Iris
Du bleu, du matin au soir,
Ce feu qui nous illumine
Sur les voies où l'on chemine
Est une harmonie d'espoir.
Du bleu, caché dans l'été,
Devient le jeu de l'automne,
Heureux, le ciel s'abandonne
Offrant toute sa beauté.
Du bleu, d'un rire joyeux,
Le ciel, la terre, désarme
Dans le bonheur d'une larme
Sur l'iris bleu de ses yeux.
Ange discret
Femme, douce femme,
Ton cœur sur mon cœur
Rêve en voleur
D'une douce flamme.
Pourrais-je oublier
Cette seconde ? Une,
Unique ! La lune
Voulant me lier.
Je ne suis qu'un homme,
Un homme imparfait.
Mais mon cœur le sait !
Rien qu'un homme en somme.
Les yeux dans le ciel
Dans les froideurs calmes,
Mes mains et leurs palmes
Espèrent le miel !...
Et dans ton sourire,
Tu désires leurs
Désirs de bonheurs ;
Le temps se déchire...
Ma main sur ta peau,
Sur ta peau qui chante,
Ta poitrine lente,
J'en ressens le beau :
Ma lèvre qui ose
Juste en soulevant
Le ciel dans le vent
Pour baiser le rose.
Un instant curieux
Que l'amour inspire
Sans un mot se dire :
L'automne est joyeux !
L'automne est sublime !
On oublie les gens,
Passants indulgents :
Ton corps est un crime !
Sans un bruit, tout bas,
Ma main est passée
Et t'a caressée.
Je suis sur tes pas...
Le temps s'amoncelle,
Un coup du destin !
La vie n'est soudain
Que cette étincelle.
Le désir est clair,
La lumière est fine,
Ton âme divine
Se glisse dans l'air.
Puis l'envie se forge
De te voir frémir,
De te voir jouir,
Le feu dans ta gorge...
...
L'amour est un jeu.
Le ciel, une pierre...
Mais d'une prière,
Je crois en ton feu !
Il pleut
Il pleut. Une goutte me caresse.
Je ne ressens plus que le passé
Attendant que le temps disparaisse
Il pleut sur les restes de passé.
Il pleut. Une goutte enchanteresse
Lentement glisse sur mon passé
En oubliant la vie pêcheresse.
Il pleut sur les pensées du passé.
Il pleut. Une goutte de silence
Enveloppe de la vie l'essence
En transformant les couleurs en noirs.
Tout le passé disparait dans l'ombre
Blanche de cette lumière sombre.
Il pleut sur moi et sur mes espoirs.
Carpe
Dans le silence de ton âme,
Se referment tes bras.
Sais-tu ? Ne sais-tu pas
Ce qu'est le pouvoir d'une femme ?
Ton amour est à fleur de peau,
D'un regard, d'une fuite,
D'un désir, d'un ensuite...
Sais-tu comme le ciel est beau ?
Ton corps est la fournaise
Qui, à chaque instant, brûle en moi.
Il est cette image de toi.
Veux-tu qu'elle me plaise ?
Se pose sur ta bouche
La puissance des sentiments,
La chaleur des instants ardents.
Veux-tu que je te touche ?
Tu sais que je t'adore,
Que tous ces desseins sont pour toi.
Penses-tu seulement à moi
Dans le silence, encore ?
L'omniprésence de l'absence
La mort est souvent indécise.
C'est notre amour qui se divise
En un seul tort...
Et le silence me triture :
Je ressens toute ta nature
Présente encor !
Mais mourir n'a rien de superbe.
Il ne me reste que le verbe.
Omniprésents
Dans l'ombre sont les sentiments
De manque. Tu n'es que fragments...
A toi
Sens-tu ma main à travers
Le temps et l'espace ouverts ?
Sens-tu la voix dépouillée
Dans ta voie ensoleillée ?
Sens-tu l'odeur des sous-bois
Dans ce qui reste ton choix ?
Sens-tu sur ce court passage
Ce que conte le nuage ?
Sens-tu comme il est délicieux
Ce souvenir de nos yeux ?
Sens-tu toujours l'innocence
Dans la langueur du silence ?
Sens-tu le beau et le bon
Dans ton cœur au plus profond ?
Sens-tu encore l'encore
Qui sur ton corps s'édulcore ?
Sens-tu dans chacun de mes mots
Ce que disent tous tes mots ?
Je ne sens que la démence
Et pourtant si fort je pense...
A toi