
Gris
Un bonbon
- A Fanny
L'histoire d'un bonbon
Peut être : « il est si bon ! »
Je me souviens de cet instant où j'entrai dans son magasin. Elle était là, souriante au milieu de mille et un parfums. Pour une fois, elle ne parla pas. Tendrement, elle me le tendit du bout de ses doigts blancs, du bout de ses yeux rieurs.
Il était là, maintenant, dans ma main, enveloppé dans un simple bout de papier. Je le dépliais délicatement, il tournait sur lui-même d'une lente danse, glissant gentiment au bout de mes doigts. Je le sentais déjà vivre en moi étincelant de couleurs, blanc neige, jaune soleil et rouge cœur. J'hésitais longuement avant de le prendre profitant de son corps fabuleux.
Elle, elle souriait, d'un sourire doux qui valait tant de mots.
Puis, je l'approchais de mes lèvres. Déjà, il m'emplissait de sa force. Mes doigts respiraient sa fraîcheur et la puissance de son être. Il se laissa aller sur ma langue et ce fut la première explosion : ma bouche fut traversée par ce charme acidulé. Il rayonna de ses saveurs qui se répandirent jusqu'à mon cœur. Il troubla mes sensations atteignant les brumes de mon âme... Au milieu de ce vacarme de mes émotions, il me plaisait. Je sentais en moi sa délicatesse, sa tendresse et... ses peurs. Il fondait.
Je savourais chacun de ses délices, je m'imprégnais de toutes ses valeurs. Etait-ce au point d'atteindre le bonheur ? Je me laissais emporter, les yeux fermés, profitant de ces quelques instants offerts, m'enivrant de la beauté de l'intensité. Je ne sais combien de temps dura cet instant, une minute, un an, une éternité... Il restera toujours gravé dans mon être...
J'ouvris les yeux.
Elle était toujours là, bienveillante. Elle me laissa partir d'un sourire.
Est-ce la même histoire ?
Je ne peux pas le croire.
Dans la danse
La tête dans la neige,
Je sens le froid présent,
Dans ces flocons dansant,
Dans le ciel leur solfège.
La tête dans ce blanc,
J'aspire à sa caresse,
Dans cette douce messe,
Dans cet air enivrant.
Je roule dans la poudre,
Je roule de désirs,
Je roule de plaisirs,
Jusqu'à sentir sa foudre.
La tête dans le vent,
Je ressens sa main blanche
Qui sur mon cœur se penche,
Qui vers l'amour me prend.
[Ou vers la mort m’étend
Dans la dernière danse,
Dans la dernière chance,
Dans l’ultime néant…]
Promenade
Ce parfum d'autrefois
Qui envahit mon cœur
Quelques gouttes parfois
La douceur d'un bonheur
L'air emplit mes poumons
Au fil du désert vert
J'entrevois mes démons
Sur le mont découvert
Mes pas sur l'herbe humide
Rendent le temps timide
Et tout ce gris austère
Noue l'amour délétère
Et je revois ta trace
Qui jamais ne s'efface.
Suis-je trop âgé ?
Vois, l'amour est cette gangue infâme
Qui fait que gite mon cœur indigne
Et je le porte telle une guigne
Au point d'en gâter toute ta flamme.
Ton âme danse aux sons de la gigue
- Ce vieux gigot aux cordes sensibles -
Une danse aux gestes invisibles
Dans les profondeurs de notre intrigue.
Tu t'enflammes ma douce gitane
Dans toute cette vapeur diaphane
Sur notre montagne gigantesque.
Dans l'élision d'un gaspi profane,
Mon âge en devient éléphantesque.
Ne prends pas de gants, pars ma tzigane.
Une trace dans le ciel
A l'horizon, quelques couinements
Echappent aux paysans dans les champs :
Tu conserves ton âme écorchée
Comme disparue dans la vallée.
Apocalyptique est ton ciel gris ;
Il n'aura ni magot, ni esprit.
Il ne sera que la convalescence
De ce nuage blanc en partance.
Il restera de ce trompe-l'oeil
Cette ouate diluant son orgueil,
Ce rendez-vous manqué qui s'efface
Telle d'un épouvantail la trace...
Au creux des cœurs
La terre, cette envie
Dans le creux de ta vie...
Tes yeux, ton cœur, ici
Et ton sourire, aussi...
Tes cheveux, ton visage,
Ce vent, mon paysage
Sur ta peau, un regard,
Lentement, qui s'égare...
Un mot, un mot, encore,
J'en découvre ton corps !
Ma bouche, un sein, enfin
La terre, le ciel, sans fin...
Ta main, ma main, toujours,
Ton chemin, mon amour...
Un cœur, un cœur, qui bat,
Qui bat, ici, là-bas...
Un homme et une femme
Et notre âme s'enflamme...
Le ciel, comme un défi,
Dans le cœur de ma vie...
Hommage à « La plaine, les vallons plus loin... » d'Eugène Guillevic
Un rendez-vous
Dans ce nid furtif où nous sommes,
Je vis ce plaisir d'être deux,
Que j'en oublierais tous les hommes,
Tous les cieux !
Dans notre éternité fuyante,
J'explore, mon pas dans ton pas,
Toute notre folie bruyante :
Parlons bas !
Dans l'ombre de ce dernier geste,
D’un mot, d’un souffle seulement,
J'aspire à cette envie céleste,
Ce moment.
Dans ce temps qui n'est que le nôtre,
Je m'oublie sans me ménager,
Serrons-nous tout près l’un de l’autre
Sans bouger.
Sans même lever la paupière,
Je t'étreins jusqu'à mon repos
A en devenir une pierre,
Les yeux clos.
Dans le cœur de ce mausolée,
Immobile et tout vêtu,
Tu m'as surprise et envolée :
Qui es-tu ?
Prends ma main et garde-là haute,
Que je conserve nos unions,
Je veux nous rêver côte à côte,
Sommeillons.
Hommage en bouts rimés à
« Un rendez-vous » de René-François Sully Prudhomme
Poésie triste
Le soleil se lève
Je ne l'attendais pas
Son rayon diffus
Me prend dans ses bras
Le soleil se lève
Je sens qu'il plonge
Son regard bleuté
Au plus profond de moi
Le soleil se lève
D'un blanc souriant
Il enveloppe la terre
D'un parfum charmant
Le soleil se lève
Et glisse un baiser
Délicat sur ma joue
Il peut s'envoler
Coton
Une boule de coton
Blanche
Toute blanche
Une fraîcheur de rosier
Une boule de coton
Douce
Toute douce
Une perle de rosée
Une boule de coton
Calme
Toute calme
Un nuage moutonneux
Une boule de coton
Frêle
Toute frêle
Qui ne fait aucun rebond
Emplir
Emplir mes poumons d'oxygène
Pour désapprendre chaque peine
Emplir ma vie de ces saveurs
Pour abandonner les douleurs
Emplir mon cœur que tu déchaînes
Que coule mon sang dans tes veines
Emplir mon âme avec lenteur
Pour m'imprégner de ta valeur
Emplir la terre de tout ce ciel
Pour mieux retenir l'essentiel
Et en conserver la morsure
Emplir mes yeux au fond des tiens
Jusqu'à ressentir la brûlure
Du temps qui jamais ne revient
Un monde en couleurs
Un petit nuage
Glisse sur la terre
La tête à l'envers.
Tout seul, un brin d'herbe
Attend que le vent
Ait des sentiments.
Au loin, le soleil,
Sans se retourner,
Part se promener
Et même le ciel
N'a plus de regard
Lui aussi, il part...
Du gris et du vert,
Du jaune et du bleu,
Saurais-je être heureux ?
Voilà...
Voilà... Un message
Et l'attente... L'attente...
Le temps est la pente
D'un mauvais présage.
Tous ces mots qui partent
Dans l'air, dans l'espace,
Juste un mot qui passe
Quand tu ne l'écartes...
Tous ces mots qui volent
Vers toi, vers ce vide,
Vers l'espoir timide.
Que tu les consoles,
Que tu les partages,
Qu'un jour ils reviennent,
Que nos mains se tiennent...
Voilà... Un message…
Page blanche
Les mots se cachent
Sur cette page.
Les mots s'effacent
Sans une image.
Et je recherche
Toutes les traces,
La moindre perche,
Le moindre espace.
Sur cette page,
Mes mots se taisent.
Ils n'ont plus d'âge,
Ils me déplaisent.
Et je recherche
Dans la falaise
Le mot que cherche
Ce blanc malaise.
Il pleut mon amour
Goutte à goutte, il pleut mon amour,
De cette pluie teintée d'écume,
Goutte à goutte sur le bitume
Se définit notre détour.
Toutes les traces ont pour contour
Une idée encrée par la plume,
Toutes les traces dans la brume
Promènent ton cœur tout autour.
Ces ronds se posent sur nos bouches
En quelques délicates touches
Nous laissant leur sucre et leur miel.
Je regarde tomber les gouttes.
Je t'aime et s'éloignent les doutes :
La pluie est ce cadeau du ciel.
Glisse la pluie
La pluie glisse sur un caillou.
Ta main, sur mon cou.
Elle se glisse avec aisance
Dans la douceur de ta présence.
La pluie glisse sur le carreau.
Ta main, sur ma peau.
Elle se glisse toute douce ;
Un sourire sur ta frimousse !
La pluie glisse toujours, encor…
Ta main, sur mon corps.
Elle glisse dans la lumière
D'une prunelle noire et fière.
La pluie glisse sur nos amours.
Ta main, sur nos jours.
Avec douleur, elle se glisse
En un long silence complice...
Ꝗ - Entre le ciel et la montagne - ꝳ
° Le ciel °
assis souriant
regardait
~ la montagne ~
ǁ ǁ et ses lents cheveux ǁ ǁ
° Le ciel °
gentil en pleurant
caressait
~ la montagne ~
ǁ ǁ la pluie dans ses yeux ǁ ǁ
° Le ciel °
transi scintillant
éclairait
~ la montagne ~
ǁ ǁ du feu de l'automne ǁ ǁ
° Le ciel °
soudain rougissant
étreignit
~ la montagne ~
- - d'un silence atone - -
° Le ciel °
au loin noircissant
éteignit
~ la montagne ~
… la vieille montagne …
La cabane de l'âne
Je ne vois plus la cabane :
De grands arbres ont poussé.
Je vois ce passé qui fane
Sur le mont enchevêtré.
Loin, j'entends le son d'un âne
Qui aurait perdu son pré.
Seul dans l'herbe, il ahane
Espérant le retrouver.
Il souffle, il crie, tout le temps,
Devant sa déconvenue.
Où est-elle ? Où sont les champs ?
Comme lui, j'attends le vent
Qui m'offrira cet instant
Dans la cabane perdue…