
Tarmac
Terminal
Dernier vol
Les feux de la nuit
Un à un s'éteignent
Je ne sais qu'aujourd'hui
Commencera ma peine
Macadam
De noir et de rêves
Le sol est recouvert
Sans la moindre trêve
Des brumes de l'hiver
De flammes et des astres
Il est là par terre
Sa ferraille s'encastre
De pluie et de verre
Macadam des songes
Étincelle et le ronge
Rêve
Une grande bande noire
Où les autres s'envolent
Une grande bande noire
Où le soir m'abandonne
Une grande bande noire
D'où je rêve attraper le ciel
Silence
« Je me dis que je dois me taire »*
Que le ciel n'a plus besoin de terre
Je me dis que ce serait l'enfer
Si l'amour volait à l'envers
*Jean COCTEAU
Les marches
I
Sur les marches du ciel
Se sont repliées mes ailes
Se fixe ma mémoire,
En ce lieu immobile
Et sur ce goudron noir
Le temps maintenant
Se pose
Force
Palpite, palpite mon cœur,
Je crois encore
Dans les bruits de chaque moteur.
Palpite encore...
Palpite, palpite invisible
À l'œil nu, Sois
Cette force folle et sensible :
Palpite en moi...
Perséspérance
Persévérer
Jusqu'au dernier instant
Et le dépasser sans jamais
Cesser d'avancer
Persévérer
En dehors de toute limite
Et continuer sans jamais
Cesser de croire
Persévérer
Encore et encore
Et oublier sa propre mort
D'une folle espérance
Plus loin
Sans souci sans sous-sol
Aucun vol
Par-delà par ici
Sans merci
Des oiseaux ceux de fer
Ceux d'envers
Par-delà tous les cieux
Tous les yeux
Le désir de franchir
L'horizon
Par-delà l'avenir
La raison
Par ici vit le jour
Sans détours
Par-delà cette envie
Est la vie
Et garé
La pluie commence à mordre
Le fer plié
Il n'arrive plus d'ordre
Comme oublié
Sans bouger il invite
Le temps à lui
Pour ne pas qu'il récite
Sa longue nuit
Entrelac de nuit
Dans l'entrelac d'espace :
Le bruit d'un moteur.
On peut suivre sa trace
Dans quelques lueurs.
Attendant dans le vide,
Au loin sont ses cris.
Dans la pluie qui le bride,
La nuit est sans prix.
Je crois le reconnaître
Et suivre ses pas
Dans le noir. Peut-être
Qu'il n'existe pas ?
Moteur
Dans les silences de la piste
J'attends le chant du vent
J'attends cette douceur si triste
Dans le soleil levant
Aucun oiseau, rien ne décolle
Pas un seul voyageur
Et pourtant j'entends que s'envole
Mon cœur comme un moteur
Rêves improbables
« Chaleur. Le sol crépite. »* Le jour se meurt
Entre les peurs, entre les lignes. Saveurs
De la fin de l'hiver où le jour se perd,
Lenteur du ciel, rideau de fer sur la mer,
Je touche du bout des ailes cette idée
Que le vent peut m'emporter d'une pensée.
* Jean COCTEAU, « Les rêves probables »
Goudron
Le sol est chaud brûlant
D'une énergie folle
Si folle que le temps
Lentement s'envole
Il roule vers le pire
Quand le goudron fond
Oubliant qu'il désire
Le ciel tout du long
Fuite
Sur le tarmac nu le temps se désole
Il passe en vagues lentes et s'enfuit
Sans le moindre bruit quand revient la nuit
Sur le tarmac nu plus rien ne décolle
Alors j'écoute le chant du prestige
Ces bouts de mémoire et tous les relents
De cette histoire ou de ses faux-semblants
Alors j'écoute à vivre le vertige
Alors que tournent les hélices
Alors que tournent les hélices,
Que se hisse chaque seconde
Vers d'interminables sévices,
Me parcourent de folles ondes.
Une à une, sous ma carlingue
Triste, elles se lancent, m'élancent
En des vagues lentes et dingues
Rappelant du sable la danse.
Cœur et corps dans ces oasis
Lointaines et tous ces déserts
Des temps perdus, je rêve abysses
Et vertiges avant l'enfer.