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Souvenirs

 

 

 

- 1 -

 

Les souvenirs sont des êtres à part,

aussi faux que vrais...

 

Ce matin-là, les volets étaient clos. l'extérieur n'entrait pas et je repliais mes bras contre moi.

Un vulgaire stylo bleu glissait sur le papier de pattes de mouches qui s'envolaient dans le vide d'une petite feuille blanche.

Le silence était présent.

Et, à lui seul, il disait tout.

​

 

 

 

 

​

Naïf

 

Je me souviens d'hier

Comme s'il n'était pas

Cette blessure douloureuse

Qui se sert dans mes bras.

Je me souviens de ces pas

Qui se bousculaient en moi,

De tous ces interdits

Qui ne se délieront pas.

Je me souviens pourtant

De ce qui ne sera jamais

Le plus important ,

Ce délicat instant où

S'ouvre un coquelicot rouge.

Je me souviens d'hier

Comme si tu l'oubliais déjà.

 

 

 

 

 

​

- 2 -

 

C'est un soir de printemps dans le silence de la pandémie.

Les enfants ont peint quelques pierres du torrent de messages divers, de couleurs chatoyantes.

Le soleil irradie les feuillages naissants et le ruisseau voisin nous rappelle les pluies incessantes des jours passés.

Petit à petit, le long de la route déserte qui quitte le hameau pour rejoindre la montagne proche, les petits souvenirs de pierres colorées se déposent de loin en loin dans l’interstice d'un vieux mur, sur la mousse humide, entre les herbes folles, au pied d'un poteau de béton et même dans une boîte à livres ouverte à tous.

Elles sont comme les bornes d'un présent que l'on voudrait retenir et qui va toujours de l'avant...

 

 

 

 

 

​

Galet

 

S'égrène le chemin

De pierre en pierre

De loin en loin

Le long des grandes herbes

Et du ruisseau qui chante

S'écoulant vers demain

 

Pose ta pierre

Petite fille

Qu'un heureux destin

Portera plus loin

 

​

 

 

​

- 3 -

 

Instant instantané, dans la cage dorée où le bleu se multiplie de tous les côtés.

Il suffit d'un seul geste, un seul mouvement pour que le ciel se dévoile dans ses teintes de rose et de blanc. Il suffit d'un autre mouvement pour que bascule cet instant troublant d'un côté imprévu. Le ciel transporte tant de sentiments agréables et apparents.

 

 

 

 

​

Bleu Marine

 

Soleils roses sous

L'horizon bleu marine,

Le ciel sourit.

 

Il est des jours,

Il est toujours

L'heure de la soie.

 

C'est une caresse,

C'est un sourire :

La nuit est tombée

Du mauvais côté.

 

 

- Le jour prête à sourire…

 

 

 

 

 

​

- 4 -

 

Il est des jours sur terre lors d’une fête des mères où les mots ne sont que des maux.

Et il n’y a rien à faire.

 

 

 

 

​

Chute

 

La porte s’ouvre

et mille et une billes d’argile

tourbillonne au sol.

À genou,

Je ramasse une à une

chaque larme

éparse…

Et une à une,

dans le silence,

elles me soufflent :

 

ça va aller !

ça va aller !

 

 

 

 

 

​

- 5 –

 

​

 

Le jour brouillonne quelques mots sous un ciel de grisaille que cisaillent quelques montagnes :

 

​

Le lac dort

Calme et plat

Entre les aiguilles 

De quelques grands épicéas

Au loin, peut-être un grand cheval blanc.

Peut-être seulement.

 

 

 

 

De la pente et de la sente se perçoivent les sommets qui s'éteignent un à un.

Que ce mois de mai est frais, la neige en est témoin, le temps n'est pas clément :

 

 

Parmi les arbres morts

Couchés tout en longueurs

Naît du bois-gentil

Qui s'empourpre sur une souche.

Les dernières lueurs du jour

Disparaissent dans la noirceur

Des nuages.

 

 

 

 

 

Ici, le temps a laissé ses pas

S'inscrire dans les dernières neiges.

Le printemps n'est pas là.

Mais nos cœurs s'en vont battants.

 

 

Quelques instants dans le froid, 

avant de rejoindre les vivants enfermés par la pandémie.

 

 

 

​

 

- 6 –

 

Les poèmes s’écrivent parfois avec les pieds. Là, c’est au pied du Mont Blanc par un printemps hivernal qui a dévoré les montagnes dans ses brumes infernales.
Quelques jours avant, une avalanche de boules de neige avaient fait trembler le Brévent.

Malgré la pluie persistante, un petit tour par les chemins en-dessous du vieux glacier des Bossons permit de s’inspirer des parfums des conifères  accompagnant le chemin et le torrent. Ce moment nature fut suivi d’un autre convivial, presque tous autour d’une fondue moitié moitié réunissant jeunes et moins jeunes autour d’une tablée de fête.

 

 

 

 

​

Partages instantanés

 

Le bois la pierre

Les photos leur beauté

Petits chemins sous le glacier

Blocs erratiques

Le gris le calcaire

Le parfum de la pluie

Le chant du torrent

Le lent silence

Des cheveux des épicéas

Au retour la chaleur

Des sourires autour

De la grande table

Un caquelon une flamme

Un soupçon de vin blanc

Du gruyère râpé et des cubes de vacherin

 

Moi un bol de riz complet

Et le bonheur du partage

 

 

 

 

​

- 7 –

 

Les jours de printemps ne se ressemblent pas tous. Parfois, un tour à la compote écrase le présent sans que l’on sache vraiment ni comment, ni pourquoi. C’est simplement un de ces moments où le temps file entre nos doigts et que l’on ne sait comment le retenir, ni comment le comprendre. Alors, on le laisse s’enfuir.

 

 

 

 

 

​

Petit malheureux

 

Dehors, les enfants jouent.

Le printemps est enfin

chaud et joyeux.

Dehors, le ciel est bleu,

brillant et vivant,

De tous les instants.

Dehors, le chemin

avait gravi les pentes

Quelques instants,

avant de redescendre

vers la vallée,

avant de se resserrer

au bord des eaux du torrent.

 

 

 

 

 

​

- 8 -

 

Le chemin monte, le chemin descend. Rien ne sert de bouder, jamais le présent ne nous attend. Sur les pentes des verts naissants aux verts profonds, on pourrait croire que l'espoir recueille toutes ces teintes, ce serait oublier qu'ils naissent sur le passé de la grisaille des falaises.

Le chemin monte, le chemin descend et jamais il ne nous attend.

 

 

« Pourquoi ce chemin plutôt qu'un autre ? »*

 

De page en page, en jeux de mots, le vent se glisse par la fenêtre retenant les maux.

Mon esprit fugue dans les airs ne retenant que les baux ; ce prix à payer pour savoir être ce que ne disent pas les mots. Les paysages défilent sans même savoir naître dans cette âme un peu fragile, dans ce savoir-faire d'un mal-être. Une fleur, un parfum ne pourraient faire transparaître tous les manques et les peut-être figés depuis les temps anciens.

Un sorbet chocolat amer et la fraîcheur d'un torrent encaissé n'empêchent pas de serpenter la vipère d'un présent austère.

Quel est le mystère d'un dernier baiser ?

​

* De moment en moment - René CHAR

 

 

 

 

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- 9 -

 

Après la montée, la descente.

Il est des jours où elle est souriante. Il est des jours où la montagne accouche d’une souris et d’un sourire, le dernier, celui qui laisse un goût amer des années entières.

Après la montée, la descente, gentiment…

 

 

 

 

 

​

Descente

 

Gentil

Gentil mot curieux

Que celui-là

La belle affaire

 

Le temps pluvieux

Me rend plus vieux

Gentil mot à taire

Gentil

Ou pas

 

​

 

 

​

- 10 -

 

"Comme les larmes montent aux yeux puis naissent et se pressent, les mots font de même."*

Écrire, écrire, écrire chaque seconde, chaque heure, chaque jour les extraits de quelques instants inexistants à l'instant même où ils se posent.

Ils sont là, derrière cette porte close, derrière ce mur qui les cache et ne dévoile cette overdose que dans ces mots sans fin.

Les vers me rongent et transforment la flamme en cendres qui s'ancrent sur la pâleur du papier.

Les vers me rongent et ils meurent dans les nuits des livres fermés.

 

​

​

​

​

Mots

 

L'un, l'autre,

Le suivant...

Chacun à présent

S'écrit sans cesse

Et se vautre lentement

Sur le blanc de l'écran.

Je ne sais si c'est bon.

Je ne sais si c'est bien.

C'est juste pour les empêcher

De s'étendre totalement,

D'absorber le présent

Dans le filtre du passé.

Et avant d’exploser,

Je m'étends de noirs

Et les laisse courir

Jusqu'à me perdre,

Jusqu'à oublier...

 

"Mais pas renoncer" *

 

 

​

* Citation de René CHAR - 16 août 1982

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La valeur des regrets
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