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I

1600 - Septembre

 

D’abord, j’ai cru que c’était faux.

J’ai regardé le ciel

Au plus profond d’elle-même

Et je n’ai vu que le noir.

 

Aucune note d’espoir,

Aucune trace de rêve,

Juste un sourire

Un peu faux.

 

Ici se terminait l’histoire

En une simple balade

Face à ce ciel immobile

Sur cette montagne sans âme.

 

Le silence poussait

Le long d’un plan d’ortie

Sorti d’une pierre

Froide et sans mystère.

 

Étrange dernière fois,

Un peu comme un chemin de croix,

Je crois que j’oublie ce pas

Qui s’est enfui dans le vent.

 

 

Fac-simulé

 

Mon père était…

Je ne sais même pas ce qu’il était.

Mes souvenirs sont si fragiles,

Froids, laids et désolants.

 

Une présence pire qu’une absence.

Une bouteille comme unique amie.

Un pied qui se balance dans l’ennui.

Des cris, des heurts et pas de vie.

 

Une chute en mobylette et une honte.

Un ballon chez les voisins et une fuite.

Un tour de table et un couteau.

Et puis la mort au fond du trou.

 

Mon père était…

Je ne sais pas.

Peut-être que je lui ressemble

Plus que je ne crois.

 

Cette ivresse perdue en moi.

Cette faiblesse comme une croix.

Ce vide qui se fait autour de moi.

Cette recherche du temps perdu.

 

Temps

 

Tant que la lumière est là,

Tant que la chaleur m’étreint,

Tant que le vent se tait,

Je resterai planté là.

 

J’écoute et je n’entends

Que des mots s’en allant

Le long d’un quelconque chemin

Où se sont perdus mes pas.

Je sais que tu ne viendras pas.

Je sais que je ne le crois pas.

Je sais que le temps sera

Ce que tu voudras.

Demain semble déjà parti

Laissant ici tous ses soucis.

Je regarde l’horizon et je me vois

Dans la lumière comme un con.

À l’heure

J’ai peur des jours qui passent

Et de ceux qui ne passent pas.

J’attends.

Je n’attends rien pourtant.

Souvent, je regarde ailleurs

En espérant que passent les heures,

En espérant que se taise le malheur,

Ou simplement que s’arrête le temps.

 

J’attends

Comme on attend que le temps

Devienne inexistant.

 

J’attends

Que passe le bonheur,

Par hasard, sans heurts.

 

Hors

 

Mon corps sue.

L’odeur est âcre.
Il fait si chaud

Que le monde est mou.

 

C’est au cœur de l’après-midi.

Il n’y a rien à faire

D’autres que de subir

Et de se laisser rôtir.

 

Enfermé dans le noir,

Tel un vieux cafard,

Je laisse mes doigts vomir.

 

C’est à croire

Que j’y prends plaisir !

Personne ne m’attend.

 

 

Un temps

 

Je ne me suis jamais senti vieux

Avant que tu ne me le dises.

Et il a suffi d’une fraction de seconde

Pour que je sache que je l’étais depuis

        [ longtemps !

 

Le temps n’a vraiment pas de sens

Et je le ressens vraiment.

Sa durée n’a pas d’existence

Quand on le prend tout le temps.

 

Vivre le rend invisible

Et mourir aussi probablement.

Il n’y a que lorsque l’on s’arrête un

     [ instant

Qu’on le comprend.

 

 

Tout au bout

 

J’aime l’instant qui passe,

Cette toile de Bonnard,

Ce reflet dans le miroir,

Cette nappe d’eau,

 

Ce moment d’indolence

Un peu lâche,

Un peu rond,

Ce changement de couleur,

 

Cette nouvelle direction.

J’aime cet espace profond

Qui m’habite

Et dont tu ne connais le nom.

 

 

Page après page

 

Tant de jours,

Tant de nuits

Où les cœurs ont battu

Sans qu’on les entende.

 

Tant de gouttes,

Tant de pluie

Où les mains se sont jointes

Sans la moindre attention.

 

Tant de rayons,

Tant de soleils

Où les yeux se sont perdus

En une brûlure suprême.

 

Aucun mot,

Aucun livre

Ne saura le traduire

Avant qu’on le referme.

 

 

Ciel

 

Ma sœur n’existe pas.

Mon frère non plus.

Mon père est parti.

Ma mère l’a suivi.

 

Il reste quelques images.

Quelques papiers aussi.

Un vieux chameau

Et un éléphant en ébène.

 

Il reste une maison

Faite de silences,

De traces diverses

Et de meubles dans le garage.

 

Et puis il y a un jardin

Avec des thuyas arrachés

Et quelques plantes nouvelles

Brûlées par le soleil.

 

 

Amorphe

 

La mort se promène

Quand il pleut

Se glissant de nuage

En nuage.

 

Elle écoute chaque note

Sur les tuiles

Et tous ces instants

Que l’on croit futiles.

 

Elle pressent dans les gens

Ces présents différents

Et tous ceux indifférents

Sans le moindre sentiment.

 

La mort se promène

Quand il pleut,

Quand il fait soleil aussi.

C’est ainsi qu’on l’oublie

 

 

été

 

Où est le jour ?

Où sont les nuits ?

Tous les bruits se sont enfuis

De ma mémoire.

 

Il ne reste de demain

Qu’un squelette qui arpente

Quelques chemins désordonnés

À la recherche d’aujourd’hui.

 

Il ne reste de demain

Qu’une vague idée

De ce que nous aurions été

Si nous avions été.

 

Et je vois s’envoler

Dans ce ciel indistinct

Les brumes d’un été

Mort-né.

 

 

Halo

 

À l’angle de la rue,

Une silhouette.

Celle d’une femme peut-être ?

 

J’aimerais la rejoindre

Pour seulement

La regarder.

 

J’aimerais lui répondre

Une de ces phrases

Qui n’a qu’un seul sens.

 

J’aimerais l’accompagner

Un bout d’instant

Sous ce réverbère.

 

À l’angle de la rue,

Une lumière.

Celle d’une étoile peut-être ?

 

 

Plante jaune

 

J’étais seul.

Je suis seul.

Dehors, la pluie a cessé.

L’herbe est restée jaune.

 

Les parfums se sont écrasés

Sur ce sol calciné.

Quelques herbes dansent

Dans le feu de l’été.

 

Aujourd’hui passe lentement

Au rythme des passants

Sur ce trottoir noir et vide

Comme les fantômes d’antan.

 

Je devrais sortir

Pour ne plus rôtir

 Mais l’être seul

A tendance à se planter.

 

 

Hung Kong

 

Dans un vieux ciné,

Les silences du désir

Se déroulent dans la lenteur

De cet été moite.

 

Aucune agitation,

Juste la tête baissée,

L’instant pourrait s’approcher.

Il ne le pourra pas.

 

Peut-être aurait-il fallu

Que j’ai du courage ?

Je l’ai regardée s’en aller

D’un petit geste de la main.

 

Le long de la haie,

Restent accrochées ses images

Lentes et douces

Comme dans un film de Wong Kar-wai.

 

 

Perdu

 

Je ne jalouse personne.

Pour cela, il faudrait de l’envie.

Je l’ai perdu un jour,

Comme un jour qui s’oublie.

 

Depuis je ne cesse

De la chercher partout

Et ne trouve en chemin

Que des choses que j’oublie.

 

Peut-être est-ce ma mémoire

Qui ce jour s’est enfuie ?

Je la cherche aussi

Jusqu’à ce que j’oublie.

 

 

Petit malheureux

 

Un temps mort. Un temps creux.

Le temps s’étale sur lui-même

Devenant comme absent.

Pourtant, tout bouge.

 

Je me souviens de cet instant.

Ce regard noir.

Ces mots durs.

Ce jour de fête.

 

Je me souviens de ce temps.

Un temps mort. Un temps plein.

Le temps se recroquevillait sur lui-même

Devenant comme brûlant.

 

Depuis, rien ne bouge.

 

 

Avant la nuit

 

La lumière plonge

Comme au premier jour du monde.

Elle envahit

Tout sans le moindre souci.

 

La lumière plonge

À travers l’univers.

Elle se dissipe

Partout sans le moindre bruit.

 

La lumière plonge

En une fraction de seconde.

Elle perturbe

Toutes les unités de pensée.

 

La lumière plonge

Comme pour la fin du monde

Et elle détruit

Tout ce qui pouvait être construit.

 

 

Tant

 

Moments passés, moments rêvés,

Au coin d’une rue,

Au cœur d’un chemin,

Le temps se déplace.

 

Moments perçus, moments touchés,

Le long d’une trace,

Le long des caresses,

Le temps se dépose.

 

Moments cachés, moments discrets,

Autour d’une table,

Autour d’un chalet,

Le temps est secret.

 

Moments déçus, moments déchus,

Par-delà la montagne,

Par-delà les cieux,

Le temps nous égare.

 

 

 

Corps et âmes

 

Chevauchement des jours

Et hurlement des nuits,

Chaque seconde détruit

Ce que peut être l’amour.

 

Ce ne serait qu’un contact,

Une forme d’impact,

Un résidu de bruit,

Un instant qui jouit.

 

Ce ne serait qu’une force

Où les corps sont atroces,

Où l’on noie le désir

Pour un soupçon de plaisir.

 

Chevauchement des corps

Et hurlement du mort,

Chaque se seconde s’enfouit

Et s’oublie un oui.

 

 

Quelque chose en moi

 

Au-delà de l’au-delà,

Il n’y a qu’un pas

Que nous ne franchirons pas.

 

Nous sommes trop loin déjà

Pour nous serrer dans les bras.

Ne nous mentons pas.

 

Je reste là

Les bras en croix

Au-delà de l’au-delà,

Il n’y a pas

Toi

 

 

Temps de fou

 

Il est vingt-deux heures vingt-deux.

Le réveil se tait.

Il n’y a dans le miroir

Pas la moindre image.

 

Chaque soir, je regarde

Si un regard se perd.

Il n’y a que le mien

Perdu depuis longtemps.

 

À cette heure s’oublie

Ce qui doit s’oublier.

L’heure est passée

Et ne s’est pas arrêtée.

 

Il est vingt-deux heures vingt-trois.

Le réveil se tait.

Il n’y a dans le miroir

Que ce flou de moi.

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