
Le ni
Dernier vol
Je rêve un peu, encore.
J'ai regardé dehors,
quelques fleurs éparses se promènent
entre quelques herbes dites mauvaises.
Le soleil a lentement brûlé
les quelques lambeaux de terre
qui restaient à découvert.
Le ciel est d'un bleu lumineux,
je pourrais croire
qu'il est heureux.
Les nuages sont partis
depuis tant de temps
que j'en ai oublié
Au vent
Le vent, doucement, dissémine nos sentiments.
Au loin, tout se perd.
Un peu comme si nous n'avions plus
de repères. Il ne reste dans nos regards
que les fruits de quelques hasards.
Nous les emportons dans un baluchon
de pensées que nous croyions éternelles
Parfois, nous aimerions l'ouvrir
pour en tirer un souvenir
et nous découvrons simplement
de vieilles couleurs passées,
une larmes, un sourire, un rien
qui s'est envolé
et ce tout qui était nous
n'est plus qu'un parfum
éventé.
Consummation
Usé
comme cette vieille boîte de conserve
tournée et retournée
dans tous les sens
pour en vider
l'intégralité
d'un maigre contenu,
usé
jusqu'à ressentir
la froideur
de l'âme ébréchée
par le flux des années,
par le flot de sa vacuité,
usé
prêt à être balancé,
brûlé aux extrémités
de chacune de ses pensées
maintenant consommées,
il ne reste plus rien à conserver
avant l'incinération
Je suis
usé.
Vieille connaissance
Le passé est si présent
qu'à chaque instant
je l'entends.
Je l'entends,
insistant,
vibrant à l'intérieur,
puissant,
et pourtant
il n'est que le passé,
à présent dépassé.
D'un long voyage
Inique est le jour
qui poursuit la nuit blanche.
Cynique est ce jour
qui pourtant s'en balance.
Et moi,
assis là,
je poursuis n'importe quoi.
C'est à croire que la vie
ne m'a rien appris.
Je voyage,
je voyage
dans les bras d'un divan
qui n'en a même pas.
Je voyage assis là
attendant que le temps
m'emporte vers d'autres cieux.
Mais le temps ne suffit pas,
assurément, en ce moment.
Demain peut-être ?
Par foi
Il est parfois difficile
de voir la poutre
que l'on a dans l'œil.
Certes, cela gratte un peu
et c'est aussi douloureux,
mais l'on met cela sur le compte
de l'autre. Cela passe mieux.
Il est parfois difficile
de sentir cette épine
que l'on croit plantée
dans le pied, alors qu'elle l'est
dans le cœur.
Nos pas hésitants
ne sont que le fruit
de nos erreurs.
Il est parfois difficile
de regarder sa tête
le matin. Notre visage
fait peur. Alors on tourne
le dos au miroir
avec l'infime espoir
de ne pas se revoir
ainsi le lendemain.
Mais on le croit, parfois.
Ni
Ni patience, ni impatience, uniquement le temps qui brise les instants, les uns après les autres, les rendant lentement inexistants.
Je me promène inlassablement sur le même chemin.
Je suis ses lignes imaginaires qui retracent quelques minutes, quelques secondes d'une réalité dont je ne sais plus si elle a vraiment été.
C'est un automne particulier perdu depuis des années.
Il serpente dans ma tête et s'enfouit un peu plus profondément pas après pas m'interrogeant sur mes propres sentiments.
Je ne saurais dire si les mots sont, si les mots furent. Il ne me reste pas la moindre image pour étayer cette réalité qui s'emmêle entre rêve et cauchemar sur ce fond impeccablement noir.
Virage après virage, je n'ai même pas son visage pour apprivoiser cette détresse, parfois, peut-être, un bout de sourire, une lueur d'un regard atténuent la sécheresse, puis s'effacent pour laisser la place à ce vide permanent.
Ni patience, ni impatience, ni rien d'autre que le temps qui me nie.
Ombre
Un ombre passe
et lasse.
Nous nous aimions.
Peut-être ?
Nous regardions dans la même direction.
Mais pas les mêmes choses.
Nous pensions comme en communion
chacun de notre côté
emmêlant nos désillusions
pour n'en faire rien de bon.
Demain devait venir.
Un nouvel avenir.
Une passion.
Des émotions ?
Je ne sais pas.
Tout est bloqué là.
Comme une histoire
qui se serait perdue
dans le noir.
L'encre continue de couler
et je la poursuis
jusque dans les profondeurs
de ses pensées,
sombre.
Mots dits
Nous avons parlé des jours et des nuits.
Des lueurs dans nos yeux.
Des frayeurs dans nos cœurs.
De chacun de nos passés.
Des beautés des instants présents.
Des craintes également.
Des petits rires insoupçonnés.
Des regards profonds, déments.
Des mots disparus avant.
Des peaux sensibles
Des caresses du vent.
Des montagnes parfois.
Du ciel, souvent.
De la lumière et de l'ombre.
Nous avons parlé des jours et des nuits
qui n'ont existé que dans nos mots.
Chaque jour
Les jours passent.
Les paysages passent.
Et puis nous nous en allons.
Je n'ai été qu'un passant.
Un passant perdu sur un chemin.
Je n'ai été que cette ombre
qui se glisse dans une autre,
une autre ombre
beaucoup plus grande,
beaucoup trop grande.
Une autre ombre
pénétrante,
envahissante
et permanente.
Sous la pluie,
sous le soleil,
de jour
comme de nuit,
cette ombre
prégnante
enlaçant mon corps
à chaque battement,
enlaçant mon âme
jusqu'à l'emmurement.
Je ne suis qu'un passant
parmi les jours
et les paysages
dans l'ombre de ses tourments.
Manqué
Je n'ai rien manqué
de tous les manques.
J'ai tout conservé
comme s'ils étaient importants.
J'ai continué
à associer les vides
pour réaliser
cette construction futile.
J'ai embrassé
l'air et le temps
disloquant chacun des instants.
Demain sera ce qu'il ne devait pas
être et c'est comme cela.
Un pas après l'autre,
Un mot sans un autre,
je vivrai ce manque
qui ne te manque pas.
Ni
Ni toi,
ni moi,
ni rien
de tout cela,
ce fil de nous
n'existe pas
et rien n'existera
où l'on se posera
pour embrasser le temps,
pour s'envoler de temps
à autres vers tous les autres,
pour revenir parfois…
Rien ne sera,
ni pour les accueillir,
ni pour les abriter,
ni pour les regarder
voler de leurs propres ailes.
Il n'y a pour nous
qu'un ni...